Voici le texte d'un auteur qui est très cher à mon cœur, débordant de talent. je ne le citerait pas, il se reconnaîtra.
Des gémissements, des cris venant de la chair s’élevaient lentement d’une ruelle, sombre, pas même le moindre grain de lumière n’osait y pénétrer. Les gémissements s’intensifièrent, de plus en plus aigus, et s’arrêtèrent, un silence aussi déchirant que celui qui suit la dernière goutte d’eau dans un désert s’installa, puis reprirent des cris, ceux d’un enfant. Une femme, la tête contre un mur, les jambes écartées, haletait, la poitrine s’élevant en vifs sursauts comme si elle se devait de rattraper une proie, une image perdue. Seule dans cette ruelle avec l’enfant qui venait de naître, elle le tenait entre les bras, le regard inexpressif. Elle le posa au sol et la silhouette de l’enfant fondit dans le noir. Elle plongea ses mains dans ce marécage obscur, hésitantes, elles touchèrent le cou de l’enfant et voulurent s’enserrer en lui, mais une brulure traversa son corps, comme un coup de fouet, une lame aiguisée et fit retirer ses mains du cou de l’enfant. Elle se plia en deux, les mains réunis comme pour une prière et sanglota, la brulure était passée mais son souvenir était là, présent comme une ombre, il coulait en elle comme volcan, lentement, la déchirant de part en part.
L’enfant continuait à geindre et sa mère pleurait, des craquements se succédaient de ses lèvres comme si elle devait étouffer un cri monstrueux, l’obscurité peu à peu l’étouffait, comme une corde qui serre. Elle essaya de se lever avec l’enfant sur le bras, et avança cramponnée fermement sur un mur. Chacun de ses pas au lieu de la libérer l’enfonçait, elle serrait les dents et espérait et cette espérance s’évanouissait, s’effritait comme un fossile qui subissait les caprices du temps. Et comme si elle avait marché durant des âges, ses jambes tremblaient, ses os criaient comme s’ils étaient munis d’une âme, son cœur brisé en deux voguait dans le sang qu’il avait libéré, l’enfant s’était tu ou le croyait-elle, ses sens étaient morts, partis avec les grains d’espoir qu’elle avait perdu, elle avait même oublié qui elle avait été et cela l’importait, avancer était le but, titubant, hors de la réalité, elle cherchait une porte. Et à un instant où son corps avait atteint ses limites, où le dernier grain d’espoir allait s’envoler pour la laisser seule alors son cœur bondit, et comme cette lumière qui pénètre le prisonnier lors de sa libération elle fut aveuglé, un vacarme assourdissant tintant sur ses oreilles, l’odeur de la ville chatouillant ses narines. Elle se trouvait au milieu d’une rue, les voitures défilant, les hommes passant devant elle sans s’apercevoir de son existence, elle sentit le poids sur son bras et baissa les yeux, l’enfant souriait et gigotait, laissant voir dans son regard la lumière qui avait sauvé sa mère du désespoir.
Trinité
Des gémissements, des cris venant de la chair s’élevaient lentement d’une ruelle, sombre, pas même le moindre grain de lumière n’osait y pénétrer. Les gémissements s’intensifièrent, de plus en plus aigus, et s’arrêtèrent, un silence aussi déchirant que celui qui suit la dernière goutte d’eau dans un désert s’installa, puis reprirent des cris, ceux d’un enfant. Une femme, la tête contre un mur, les jambes écartées, haletait, la poitrine s’élevant en vifs sursauts comme si elle se devait de rattraper une proie, une image perdue. Seule dans cette ruelle avec l’enfant qui venait de naître, elle le tenait entre les bras, le regard inexpressif. Elle le posa au sol et la silhouette de l’enfant fondit dans le noir. Elle plongea ses mains dans ce marécage obscur, hésitantes, elles touchèrent le cou de l’enfant et voulurent s’enserrer en lui, mais une brulure traversa son corps, comme un coup de fouet, une lame aiguisée et fit retirer ses mains du cou de l’enfant. Elle se plia en deux, les mains réunis comme pour une prière et sanglota, la brulure était passée mais son souvenir était là, présent comme une ombre, il coulait en elle comme volcan, lentement, la déchirant de part en part.
L’enfant continuait à geindre et sa mère pleurait, des craquements se succédaient de ses lèvres comme si elle devait étouffer un cri monstrueux, l’obscurité peu à peu l’étouffait, comme une corde qui serre. Elle essaya de se lever avec l’enfant sur le bras, et avança cramponnée fermement sur un mur. Chacun de ses pas au lieu de la libérer l’enfonçait, elle serrait les dents et espérait et cette espérance s’évanouissait, s’effritait comme un fossile qui subissait les caprices du temps. Et comme si elle avait marché durant des âges, ses jambes tremblaient, ses os criaient comme s’ils étaient munis d’une âme, son cœur brisé en deux voguait dans le sang qu’il avait libéré, l’enfant s’était tu ou le croyait-elle, ses sens étaient morts, partis avec les grains d’espoir qu’elle avait perdu, elle avait même oublié qui elle avait été et cela l’importait, avancer était le but, titubant, hors de la réalité, elle cherchait une porte. Et à un instant où son corps avait atteint ses limites, où le dernier grain d’espoir allait s’envoler pour la laisser seule alors son cœur bondit, et comme cette lumière qui pénètre le prisonnier lors de sa libération elle fut aveuglé, un vacarme assourdissant tintant sur ses oreilles, l’odeur de la ville chatouillant ses narines. Elle se trouvait au milieu d’une rue, les voitures défilant, les hommes passant devant elle sans s’apercevoir de son existence, elle sentit le poids sur son bras et baissa les yeux, l’enfant souriait et gigotait, laissant voir dans son regard la lumière qui avait sauvé sa mère du désespoir.